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Le nouvel esprit du capitalisme par homo-numericus

Origine http://www.homo-numericus.net/article47.html


Publié il y a plus d'un an, l'ouvrage de Luc Boltanski et Eve Chiapello a renouvelé considérablement le débat sur le capitalisme et les modèles critiques qu'on pouvait lui opposer. Les auteurs prennent en effet comme point de départ leur interrogation sur le contraste saisissant qui a marqué ces trente dernières années entre la prospérité du capitalisme d'une part et la dégradation des conditions des salariés, le tout sur fond d'affaiblissement des discours critiques sur le capitalisme.

C'est en s'interrogeant sur cet affaiblissement que Boltanski et Chiapello en viennent à distinguer deux types de critique : une critique sociale du capitalisme, dénonçant la misère et l'exploitation, très affaiblie à partir des années 70 mais qui renaît aujourd'hui ponctuellement avec le succès de la " gauche radicale ", et une critique " artiste " qui s'est développée dans la foulée de mai 68, dénonçant plutôt l'aliénation psychologique que font subir les conditions de travail aux salariés, et en même temps les ravages écologiques et culturels de la société de consommation.

Le point central de l'ouvrage consiste à démontrer que la critique artiste, qui revenait peu ou prou à dénoncer à la fois le taylorisme à la source du " travail en miette " et le matérialisme consumériste fut récupérée et intégré par les entreprises, sous la forme de mise en oeuvre de méthodes managériales nouvelles (fonctionnement par projet, responsabilisation des salariés, écrasement des hiérarchies internes, intéressement aux résultats de l'entreprise) et d'une réorientation des stratégies marketing (développement des dimensions identitaires et culturelles des produits, marketing " éthique ", " écologique ", etc.) sur l'imaginaire et l'immatériel.

Il est frappant de constater combien les auteurs français et l'américain Rifkin, partant de points de vue totalement différents, finissent par décrire les mêmes phénomènes dans les deux pays. Mais tandis que Rifkin s'interroge sur la marchandisation de la vie humaine et des relations sociales, Boltanski et Chiapello tentent de montrer que cette évolution est synonyme pour les salariés d'un accroissement considérable de la pression qu'ils subissent dans la mesure où le risque inhérent à toute entreprise commerciale est transféré sur leurs épaules. De ce point de vue, les entreprises de la " nouvelle économie ", a fortiori les start-up dont on a voulu faire un modèle, en représentent l'expression presque caricaturale.

Luc Boltanski et Eve Chiapello, Le Nouvel Esprit du capitalisme, Gallimard, 1999, 843 p

A lire aussi :

La revue Esprit s'interroge dans son numéro de janvier 2000 sur " quelle critique du capitalisme ? ". Cet ouvrage est confronté à ceux de Daniel Cohen (Nos Temps modernes) et Manuel Castells ; on y retrouve de nombreuses contributions élargissant le débat. Le Travail sans qualités de Richard Sennet (chez Albin Michel) défend la même thèse de l'autre côté de l'Atlantique.

avril 2001